Via CNT - AIT
Une réflexion anarchiste sur l’absurdité du pouvoir
La guerre du Soudan entre l’armée et les Forces de soutien rapide n’est pas un conflit entre deux factions opposées. D’un point de vue anarchiste, il s’agit plutôt de l’explosion retardée d’une violence ancestrale, établie le jour de la fondation de l’État, et non le jour où la guerre a éclaté.
L’État lui-même, dans ce contexte, n’est pas une « entité neutre » ayant dévié de son cours. Il est plutôt la structure qui a produit ce conflit et a réuni toutes les conditions nécessaires à son éclatement. Dans la conception anarchiste, l’État n’est ni un parapluie collectif ni un contrat social. Il s’agit plutôt d’une machine de domination, fondée sur trois piliers : le monopole, la hiérarchie et la violence. Chaque fois que les équilibres formels s’effondrent, cette violence retrouve sa nature abstraite : couteaux, obus, viols, sièges et massacres au nom de la « souveraineté » et de la « discipline ».
L’armée et les Forces de soutien rapide : une lutte de branches en l’absence de racines
Les deux camps prétendent protéger la patrie, mais laquelle ? L’anarchisme rejette cette conception vulgaire de la patrie comme espace soumis au contrôle militaire, considérant cette prétendue patrie comme une simple carte d’influence, gardée par la poudre à canon et investie dans le sang. L’armée ne représente pas le peuple, et les Forces de soutien rapide ne représentent pas la périphérie. Elles sont la double incarnation d’une même structure de pouvoir : l’une revêtue du costume de l’institution, l’autre issue d’une périphérie longtemps opprimée qui a reproduit les outils de l’oppresseur, les braquant sur le corps national lui-même. Il n’y a pas de réelle différence entre l’arme de l’État et celle du clan lorsque l’objectif est le même : la domination.
Le peuple, un vide dans l’équation de la guerre
Dans tout cela, le peuple n’est pas un parti, mais un vide, une brèche dans laquelle on jette des débris, où la violence est mise à l’épreuve et où l’on fait appel à la patience au nom du patriotisme, de la dignité ou de la religion.
D’un point de vue anarchiste, la guerre n’est pas seulement « contre le peuple », mais plutôt sa négation : il n’y a pas de place pour l’individu libre, pas de voix pour la conscience collective, pas de volonté de résistance hors des conditions du pouvoir. Par conséquent, il est impossible d’imaginer une véritable « fin » à cette guerre de l’intérieur du système. Chaque victoire militaire est une défaite de plus pour le peuple, et chaque cessez-le-feu est un report temporaire d’un nouveau cycle de tyrannie.
L’État, un grand mensonge : quand la protection devient colonialisme
L’anarchiste ne se demande pas : qui gouverne ? Il se demande : pourquoi le peuple est-il gouverné ? Au Soudan, comme dans toutes les anciennes colonies, l’État n’a jamais été le produit d’un contrat libre, mais plutôt une extension coloniale avec des outils locaux. Ainsi, l’armée elle-même, parfois présentée comme un symbole de souveraineté, n’est rien d’autre qu’une reproduction élitiste de la violence coloniale, avec une couleur d’uniforme différente et un logo différent.
Les Forces de soutien rapide (FSR), quant à elles, en sont une caricature plus grossière, gonflées dans le laboratoire du pouvoir pour remplir des rôles temporaires, puis échappant à tout contrôle, non pas parce qu’elles sont différentes, mais parce qu’elles sont une version incontrôlée du même original.
Salut anarchiste : contre la victoire, pour se retirer du jeu
D’un point de vue anarchiste, il est inutile de se demander « qui gagne ? » La question la plus importante est : comment se retirer de ce jeu sans mourir ? La libération, ici, ne signifie pas « changement de régime », mais plutôt la démolition de la structure de contrôle elle-même. Les sociétés doivent recommencer à gérer leurs propres affaires par la base, sans tutelle, sans armée ni chef. Les comités de résistance, les initiatives de solidarité populaire et l’économie collaborative face à l’effondrement ne sont pas seulement des outils de résistance, mais le noyau d’un autre monde. Un monde où la vie n’est pas monopolisée et l’espoir n’est pas géré à partir de bureaux militaires.
Conclusion ouverte : La guerre n’est pas une catastrophe
La catastrophe attend que les outils de violence nous sauvent de la violence. Du point de vue anarchiste, le chemin du salut ne passe pas par la victoire, mais en délégitimant tout le jeu.