Depuis le début du mouvement en cours, des convocations au commissariat ou gendarmerie commencent à tomber dans différents coins de la région. Dès lors, il nous paraît important de partager quelques conseils, stratégies et points de vigilance sur ces pratiques courantes et insidieuses.
La répression ne se limite pas à des interventions policières, charges et autres interpellations lors de manifestations et/ou actions. Des enquêtes et instructions peuvent être ouvertes et aboutir à des convocations a posteriori de personnes identifiées, soupçonnées voire même un peu au hasard pour tenter de récupérer des infos sur des situations, individus ou groupes.
Ces convocations peuvent se présenter sous différentes formes : appel téléphonique, courrier simple ou recommandé, passage de flics, etc.
La plupart des convocations pendant un mouvement social sont liées à des enquêtes de police en cours. Le motif de la convocation est laissé flou, la formule habituelle étant « une affaire vous concernant », motif qui peut n’être précisé que sur place, ou lors d’un placement en Garde-à-vue (GAV). Cette stratégie vise à déstabiliser : d’une part, on est contacté-e individuellement ce qui rend le procédé plus formel et individuel et, d’autre part, cela fait planer le doute sur la manière dont on sera ciblé-e ou non (témoin, suspect-e, etc.).
Dès lors, il faut réfléchir aux différents scénarios possibles et, si l’un d’eux peut concerner aussi des proches, penser à les prévenir ne serait-ce que pour leur éviter d’être pris-e-s au dépourvu à leur tour.
Première question : s’y rendre ou pas ?
Le corolaire pour avoir ce choix est surtout de faire en sorte qu’on puisse s’esquiver facilement, ce qui implique ne pas répondre à l’appel d’un numéro inconnu par exemple. Cela évite de tomber sur les flics sans le savoir et ça permet de dire qu’on était pas au courant. De fait, il n’y a aucune obligation d’écouter sa messagerie, relever sa boîte aux lettres ou encore de signer un recommandé (vérifier l’expéditeur au préalable). De même, il est possible de ne pas ouvrir aux flics qui pourraient se présenter pour remettre en main propre une convocation : il suffit de faire comme si on était pas là ! Et si des flics veulent
faire signer une convocation, on peut essayer de refuser de la signer. Si c’est la Poste qui nous délivre un recommandé dont l’expéditeur est le ministère de la justice ou de l’intérieur, on peut aussi ne pas signer et dire à ses proches de ne pas signer pour soi dans cette situation.
Dans le cas où l’on se donne les moyens de feindre de ne pas être au courant, ne pas se rendre à la convocation n’entraîne pas de poursuite en soi, même si la convocation précise que cela est obligatoire de s’y soumettre. Si on ne se présente pas, il est possible d’être relancé-e voire que le procureur ou la juge d’instruction demande qu’on vienne nous chercher. Ce n’est pas du tout systématique, mais c’est une possibilité. Dans le cas du refus, il faut donc anticiper cette possibilité qu’on vienne nous interpeller au domicile, au travail, etc.
Dans ce cas-là, cela sent la possibilité de GAV, d’où l’intérêt de s’y être préparé en prévenant ses proches/avocat-e, en réunissant ses garanties de représentations, en se préparant à ne rien déclarer, à ne pas donner sa signalétique (photos et empreintes), son ADN ou ses codes de déverrouillage et à refuser une éventuelle Comparution Immédiate, etc. Nous rappelons que refuser de donner sa signalétique et son ADN, c’est aussi refuser de participer au fichage généralisé dans les fichiers de la police et de la gendarmerie.
A l’inverse, à force de perdre son temps, la police et la justice abandonnent parfois toute idée de convocation.
Dans le cas où l’on décide malgré tout de s’y rendre et que le RDV est proche, trouver toute excuse pour le décaler et ainsi se donner le temps de pouvoir anticiper. Il n’est pas possible de bien se défendre dans l’urgence ou sans savoir ce que l’on peut nous reprocher. De la même manière, il convient de ne pas prendre son téléphone avec soi pour éviter que les flics ne cherchent à fouiller dedans. Il faudra alors anticiper l’audition et la suite, que l’on soit accompagné-e ou non d’un-e avocat-e, et se préparer à ne rien déclarer, à ne pas donner sa signalétique ou son ADN, à anticiper le possible placement en GAV et en faisant prévenir son proche de référence qui aura accès aux garanties de représentation déjà réunies le cas échéant, etc.
Les types de convocations :
-* L’audition libre
On peut en théorie se faire accompagner par un-e avocat-e et on a le droit au silence, comme en GAV même si ce n’en est pas une. On est « invité-e » à se présenter au commissariat pour une audition. On est censé-e être libre d’en sortir dès qu’on le souhaite mais le statut sous lequel on est convoqué-e peut évoluer pendant la durée de l’enquête et donc pendant l’audition. La situation peut basculer très rapidement : on peut être convoqué-e comme simple témoin en recevant une lettre, se rendre au commissariat et se retrouver suspect-e au cours de l’audition (souvent à partir des déclarations que les gens font contre eux/elles-mêmes ou les autres). Les convocations constituent également un moyen pour les policiers de ne pas avoir à gérer la procédure d’une GAV tout en pouvant interroger les gens, essayer de leur prendre la signalétique (empreintes et photos), les placer en GAV (exemple : pour refus de signalétique qui constitue un délit).
-* L’audition en tant que témoin
Dans le cadre d’une instruction, il est possible de recevoir une convocation en tant que témoin (audition de 4h max). Dans ce cas-là, on n’a pas les mêmes droits que pour une audition libre : par exemple, il n’est pas possible d’être assisté-e d’un-e avocat-e ni de garder le silence. On est alors tenu-e de répondre aux questions et le refus de témoigner est puni par la loi. La seule possibilité est alors de ne pas signer le procès-verbal. Si l’audition met en avant des éléments nous incriminant, on passe alors dans le régime de l’audition libre avec les droits correspondant.
Dès lors, esquiver la convocation peut s’avérer d’autant plus pertinent pour se préparer à ce qui nous attend éventuellement, notamment en se renseignant discrètement si d’autres personnes sont concernées.
Comme pour la GAV, se préparer à gérer une situation de convocation est nécessaire, que ce soit pour s’y soustraire en ne répondant pas et en ne s’y présentant pas ou, dans le cas où on décide de s’y présenter, en gagnant du temps pour se préparer et en anticipant une future situation de GAV potentielle. Dans tous les cas, vous pouvez contacter la commission anti-répression pour avoir des conseils, visibiliser votre situation et ainsi ne pas se retrouver isolé-e.