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Le squat de l’ancienne Chiffo’ était un lieu de vie et d’activités ouvert en novembre 2024 à la suite de l’expulsion du squat du 15 RP de l’Orne et après une semaine de luttes (occupations, manif’ sauvages, etc.). De nombreuxses exiléEs y vivaient, mais c’était aussi un lieu de passage et d’hébergement temporaire, ainsi qu’un espace d’auto-organisation. Projections, causeries, chantiers et ateliers divers rythmaient, entre autres, la vie du squat. Le squat a été expulsé jeudi 16 octobre 2025 pour satisfaire les comptes du promoteur PIXEL et du cabinet d’architectes DHD Billard Durand avec un impressionnant dispositif policier, du jamais vu dans le coin.
Jeudi (16) maton, 8h30 : Stephane Bredin, le prefet du Calvados (anciennement directeur de l’Administration Pénitentiaire, la fine fleur de Science Po et de l’ENA quoi) envoie 120 keufs, assistés d’agents de sécurités privée de la boite LC Sécurité et d’un arrêté autorisant le vol d’un drone dans le quartier de la Demi-Lune de 8h à 18h. L’expulsion « sans incidents » [1] fout quand même 60 personnes à la rue sous couvert de créer des logements et les bleus embarquent 14 personnes au poste. Tous les habitanxtes sont prixes en photos, même si certainxes tentent de se soustraire à ce fichage policier.
Cinq personnes sont interpellées vers 10h30 et emmenées au poste, dont 3 retenues dans le LRA [2]. À 16h30, deux personnes sortent, dont une avec une OQTF [3], puis la dernière personne sort vers 17h avec une OQTF elle aussi.
À midi, 9 personnes se font interpeller violemment par la BAC, pour vérification d’identité alors qu’iels aidaient des habitanxtes à sortir leurs affaires. En même temps, des gens filent des tracts aux passantxes et commerçants. Parmi les 9 personnes, 2 sortent presque immédiatement après avoir été amenées au poste. Quatre personnes restent en vérif’ pendant 4heures et sortent à 16h et les trois personnes restantes sont gardées à vue pendant 24h — GAV motivée pour refus de signalétique [4] lors d’une vérification d’identité. Plusieurs personnes font le pied de grue devant le commissariat Lanfranc toute la journée pour manifester leur solidarité, non sans coups de pression. Une équipe de la BAC force le passage dans une petite ruelle en voiture, et plus tard, des bleus bien uniformés demandent aux quelques personnes encore présentes de partir, menaçant de les embarquer sous couvert de Vigipirate.
Le soir même, un rassemblement a lieu à 18h devant le bâtiment fraîchement expulsé. Le mortier n’a pas pris, donc il semble nécessaire de déployer des gens d’armes pour assurer sa bonne sèche. Le rassemblement permet de trouver des hébergements solidaires et des places à l’hôtel pour une quinzaine de personnes, mais peine à dégager des perspectives de lutte.
Le lendemain, vendredi 17, rebelote, avec un rassemblement appelé à 17h30. Cette fois, on se dirige ensuite vers le Village Mobile — géré par l’association mafieuse 2 Choses Lune qui capitalise sur la précarité et la misère en offrant l’exclusivité des contrats à ses petitxes potes (Dom’ici) [5] — où certainxes habitantxes du squat expulsé seront hebergéxes pour une nuit. Sur place, un vigile zélé empêche les jeux entre les enfants vivant sur le site et celleux parmi nous. On savait qu’il y avait potentiellement des places pour tout le monde, mais les échanges contradictoires avec les travailleureuxes sociaux et la directrice nous font vite comprendre que si un hébergement est envisagé, ça sera, encore une fois, en cellule. L’arrivée rapide de 3 fourgons de police pour nous dégager confirmera nos intuitions. On se barre, talonné par les keufs et fatiguéxes par les journées précédentes vers un lieu soutien qui héberge la plupart des gens pour la nuit.
Le samedi, on profitera du forum des luttes pour causer des perspectives et des hébergements solidaires sont à nouveau proposés.
Mardi 21, les entrées et sorties de personnes participant à une assemblée générale de lutte contre toutes les expulsions se font également sous surveillance de drone, officiellement autorisé à voler pour surveiller le match de foot Caen-Rouen à proximité.
Jeudi 23, une semaine tout pile après l’expulsion de l’ancienne Chiffo’, l’officialisation d’un squat pour héberger une partie des personnes mises à la rue se solde en expulsion immédiate. La quinzaine de personnes installées se retrouvent à nouveau à la rue grâce à l’État et sa police, les ouvriers collabo d’Eiffage et les voisins vigilanxtes. Les habitants et les personnes solidaires sont touxste contrôlées à la sortie, sept personnes sont interpellées pour vérification d’identité et six d’entre elles sont placées en garde à vue pour violation de domicile en réunion et dégradation volontaire de biens privés. Elles sont relâchées sans suites 24h plus tard, les charges servant, à n’en pas douter, à alimenter le fichage policier qui s’intensifie autour des squats, des luttes anti-nucléaire, etc. En effet, les charges ont permis au procureur de requérir la prise coercitive de signalétique et d’ADN pour les 6 personnes en refus. Toujours du monde pour se relayer devant le comico malgré la tempête et nik le fichage.
Depuis des années, la répression contre les squat s’accentue. Début juillet, deux squats ont été expulsés à Ouistreham, et celui de la Demi-Lune a partiellement cramé : l’occasion était trop belle pour un squat déjà expulsable, la dépossession a donc été faite par le feu et par les bleus. Suite à ces expulsions, une manifestation sauvage a éclaté mi-juillet, bousculant les portes de la mairie au passage et 6 personnes ont été interpellées. Cinq d’entre elles ont été gardées à vue pendant 48h et deux écoperont de 70 heures de Travaux d’Intérêts Généraux, interdiction de manifester pendant 6 mois sur Caen, et l’une d’entre elles devra payer 1100€, sans compter les frais de justice et d’avocats pour les deux. De plus en plus d’expulsions se font à coup 38 DALO, une procédure expéditive de la loi dite anti-squat, Kasbarian-Bergé, En août, ce sont les personnes installées en tentes le long de la Presqu’île qui ont été menacées d’expulsion par Aristide Olivier. Pour manifester de la solidarité avec les occupantxes du campement et les sans-abris en général, un campement a été installé directement sur le parvis de la mairie le 28 août, avec une cinquantaine de tentes et de personnes. Ici et ailleurs, l’État réprime les pauvres, l’auto-organisation, la solidarité et tous celleux qui se rebellent contre son ordre social. À Pantin, en juillet, une cinquantaine de personnes, exilées, ont été expulsés du squat Al-zol, occupé depuis trois ans. En février, dans le 18e, un squat a été expulsé un mois après l’ouverture, dont une semaine de séquestration des habitantEs. Fin septembre, c’est au tour du squat Orange, le plus gros squat de Calais, et le même jour que l’expulsion du squat de l’ancienne Chiffo, le squat du Ghetto à Bagnolet-Montreuil s’est aussi fait vider… Le jeudi 23 octobre au matin c’est le squat de La Trotteuse à Pantin. C’est une liste bien longue et malheureusement non-exhaustive, parce qu’il y a plein de squats dont on a pas idée de l’existence et qu’on découvre parfois au détour d’une rencontre fortuite, parce qu’il y a des personnes qui ouvrent des bat’ et qui ne communiquent pas dessus, qui bricolent dans leur coin et se font expulsées en silence.
Bien conscientEs que la liberté s’arrache entre les barreaux de leur prisons modernes, on reste deter ! Mort aux expulseureuses, nik l’État, sa police, son fichage de merde, la propriété et les frontières !
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