Retour sur le weekend de lutte contre la LGV Bordeaux-Toulouse

Compilation de trois articles (contre-attaque.net, attaque.noblogs.org et lagrappe.info) revenant sur le weekend qui s’’est déroulé du 11 au 13 octobre pour lutter contre le projet de ligne de train à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse.

Contre-attaque le 14 octobre
“Freinage d’urgence” : retour sur un week-end de lutte pour le vivant

Vendredi 11 octobre affluaient de toute la France et d’Europe des milliers de militants et militantes écologistes. En jeu, la destruction de près de 5000 hectares pour la construction d’une ligne inutile et destructrice : la LGV Bordeaux Toulouse.

Dès jeudi les manifestant-es ont monté le camp pour accueillir tout ce petit monde dans les meilleures conditions. Camping, cantine à prix libre, bar, garderie, espace soin, chapiteau, stands d’organisations camarades, toilettes sèches et douche. Philippe, le sympathisant de la lutte qui prête son terrain privé est formel : « je préfère ce chahut pendant 3 jours plutôt qu’un chantier gigantesque qui saccage le territoire. C’est un projet stupide et ringard, qui date des 30 glorieuses et ne présente aucun intérêt. C’est un joujou de riche. » Lorsqu’un journaliste lui parle de la possibilité d’avoir moins de camions sur la route, il rétorque « ce sont des menteurs, croyez-vous que les camions prennent les LGV ? Quand on a ouvert Bordeaux/Tours y a pas eu un camion en moins sur la route. J’ai un certain âge, je ne vais pas aller me coucher devant les bulldozers ni grimper aux arbres c’est fini. Mais j’espère qu’il y des jeunes qui vont le faire. » Les jeunes ont répondu présents.

Ce projet hors du temps et pharaonique coûtera bien plus que les 14 milliards d’euros annoncés selon les membres de LGV non merci, le collectif à l’initiative de cette mobilisation, qui fait appel aux Soulèvements de la terre pour massifier leur lutte. Les collectivités locales de leur côté doivent supporter 600 millions. La conséquence directe ? Une coupe dans les autres secteurs, notamment l’aide à l’enfance qui voit son budget amputé. Moins d’argent pour les enfants, plus pour les bétonneurs. Ce sont également plus de 2000 communes qui vont devoir s‘acquitter d’une nouvelle taxe pour financer le projet. Des collectifs de riverains appellent à la désobéissance fiscale : refuser de payer ce nouvel impôt.

Un campement joyeux

Sur le camp, l’ambiance est festive et familiale. Mais pour les autorités, des familles dormant dans leur camping car devaient être surveillées par le survol d’un hélicoptère de gendarmes à 4h du matin à basse altitude pendant 40 minutes avec stroboscope et sirène. Des personnes excédées envoient des feux d‘artifice, espérant le faire partir. N’ayons pas peur des termes, il s’agit de torture psychologique, et c’est récurrent lors des manifestations contre les projets écocidaires. En juin lors de la mobilisation contre l’A69, des voitures de police toutes sirènes hurlantes avaient réveillé les manifestant-es à 2h du matin, puis l’hélicoptère avait pris le relais à 4h.

Le samedi démarre sous la pluie, mais ça ne décourage pas nos joyeux lurons qui continuent à affluer toute la nuit, certains venant tout droit d’Italie, notamment les activistes de la lutte sœur, celle du No TAV, ce projet de liaison Lyon Turin contre lequel ils et elles se battent depuis des années. La ZAD contre l’A69 est aussi présente, malgré un harcèlement des “forces de l’ordre” sur le chantier.

Une pluralité d’actions

Chacun.e se retrouve avec ses camarades au petit déjeuner pour échanger sur les différentes actions proposées. Ce qui fait la force de cette mobilisation, c’est qu’elle fait le pari de proposer une multitude d‘actions, sur des lieux divers, et selon les envies de chacun.e. Elles prennent la forme de jeux : « dixit naturaliste », « giga kapla », « golden rail »… Une vélorution est proposée pour déambuler dans Bordeaux et rejoindre la fanfare à la gare pour mettre un joyeux bazar avec force confettis. Une balade naturaliste pour découvrir ce territoire qui doit être protégé et défendu et les espèces qu’il abrite est également proposée. Dans le cortège « giga kapla », 1000 activistes s’élancent à travers la forêt dans une ambiance très festive grâce à la musique et aux chants. Après une bonne promenade, une vigie a été installée au cœur du tracé futur de la LGV, sous la surveillance oppressante de drone, hélicoptère et gendarmes. Les militant.es, profitant de l’enlisement d’une voiture de gendarmerie, procèdent au désarmement festif du véhicule. Les malheureux gendarmes ont bien tenté de négocier à coup de grenades lacrymogènes, mais l’occasion était trop belle de profiter d ‘un rapport de force pour une fois en faveur des manifestant.es. Voir des gendarmes s’enfuir en courant en abandonnant leurs affaires, c’est un spectacle auquel on n’assiste pas tous les jours. Le jeu continue durant la nuit : « diverses entreprises liées au projet (bureau d’études, aménageurs, expropriateurs) ont été ciblées par des tags, banderoles, vidages d’extincteurs remplis de peinture et autres petits désarmements facétieux » et des messages d’amour sont laissés sur les gares des lignes TER que les activistes entendent défendre.

Pendant ce temps, des militant.es sont resté-es aussi sur place pour aider aux nombreux besoins d’un tel camp. Des randonnées accessibles à tous.tes, des confections de banderoles avec les enfants sont aussi proposées à moindre distance. En cuisine, on prépare le repas du soir, couscous végétarien au menu. Au retour des militant.es, la fête peut commencer pour célébrer cette journée d‘action. Des concerts résonnent sous le chapiteau, puis la fanfare prend le relais : “J’ai deux passions, la fanfare, la révolution, vive les blocages, les sabotages, les ZAD et les manifs sauvages” chantent les militant.es . Une “quête” est organisée en soutien à Gilles R., le gendarme dont l’équipement a été réquisitionné par les manifestant.es en réponse aux milliers de confiscations dont iels ont fait l’objet.

Le dimanche, alors que tout ce joyeux petit monde s’apprête à quitter le camp, la répression, elle, ne s’arrête pas. De nouveau, des milliers de contrôles. Certains policiers eux-mêmes font part de leur agacement face à ces procédures inutiles. Faut-il confisquer cette gourde, cette conserve de ratatouille bio, cette bouteille de vin blanc naturel ? Rappelons qu’à la Rochelle, ils avaient été jusqu’à confisquer des serviettes hygiéniques, qui pouvaient soit disant servir de masques pour se protéger des lacrymo… Bien sûr, toutes les lunettes et les masques de protection sont confisqués comme d’habitude. On cherche à empêcher les personnes de se protéger des gaz lacrymogène, dont la dangerosité a pourtant été prouvée et dont la police se sert avec générosité. En fin de journée, les forces de l’ordre font irruption dans le camp, toujours escortées de l’indéfectible hélicoptère, manifestement à la recherche des affaires du pauvre Gilles R. Ils repartiront bredouille…

Un dispositif de répression démentiel

S’il est difficile de chiffrer de manière précise ce qu’a coûté le déploiement policier sur ces 3 jours, on estime que les seuls vols en hélicoptères, car il y en avait plusieurs, font monter la facture à près de 100.000 euros. À quelques jours de l’annonce d‘un budget d’austérité, on comprend que l’austérité ne concerne pas la répression. La région a été saturée de barrages policiers, près de 6.000 personnes contrôlées. Tout ça pour un rassemblement plus que bon enfant.

Le communiqué du collectif LGV non merci est clair. Il faut lutter “contre le mythe de la vitesse, la poursuite de la métropolisation et le sacro-saint développement économique”. “Ces projets d’un autre âge détruiraient des hectares de terres agricoles, de zones humides et de forêts, alors même que l‘artificialisation est responsable de la moitié de la perte de la biodiversité.” Cette semaine justement paraissait un rapport de Planète vivante : 73% des populations de vertébrés sauvages ont décliné depuis 1970.

La LGV, c’est pas fait.

Attaque le 13 octobre (mise à jour le 14 octobre)
Lerm-et-Musset (Gironde) : Contre la LGV et ses défenseurs

Articles issus de la presse nationale

Ouest-France / samedi 12 octobre 2024

Vives tensions à Lerm-et-Musset, à 75 km au sud de Bordeaux, sur un terrain privé où manifestent des collectifs d’opposants et le mouvement écologiste radical des Soulèvements de la Terre, samedi 12 octobre, contre la future ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) du Sud-Ouest. Dans l’après-midi, une partie des manifestants entre 20 et 30 individus, habillés en noir, s’en sont pris à un véhicule de gendarmerie, ensablé dans un pare-feu, cassant les vitres et montant sur le toit, comme le dénonce la préfecture de la Nouvelle-Aquitaine.

Le media Sud-ouest a diffusé une vidéo de cette attaque. « Les gendarmes étaient trois et ont essuyé des tirs de projectiles. Malgré l’envoi de quelques grenades lacrymogènes, ils ont rapidement abandonné le véhicule et ont disparu à pied dans la forêt », relate le journal.

Ces tensions ne sont pas les premières de ce rassemblement, placé sous surveillance par les autorités. Selon la préfecture de Gironde, un hélicoptère de la gendarmerie qui effectuait un survol du site des anti-LGV a été la cible de « plusieurs tirs » [de mortiers d’artifice ; NdAtt.] cette nuit, sans toutefois que l’appareil ou ses occupants ne soient atteints. […]

Au moins un millier de personnes sont rassemblées contre la liaison à venir entre Bordeaux, Toulouse et Dax. Les travaux ont commencé au nord de Toulouse mais l’autorisation nécessaire à des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux (AFSB), préalables au chantier de la LGV lui-même attendu en 2028, reste à délivrer d’ici fin novembre.
La LGV vise à relier, en 2032, Toulouse à Paris en trois heures et dix minutes, gagnant une heure sur l’itinéraire actuel. Un embranchement traversant l’est de la forêt landaise doit rallier Dax à Bordeaux en vingt minutes de moins et, un jour, permettre des liaisons directes avec l’Espagne.
[…]

Mais les opposants — élus et parlementaires locaux, habitants, sylviculteurs ou viticulteurs — dénoncent un projet « mortifère » d’une quinzaine de milliards d’euros qui conduirait, selon eux, à l’artificialisation d’environ 5 000 hectares, en traversant notamment la vallée du Ciron, affluent de la Garonne, où se trouve une hêtraie ancestrale.

Ils prônent une rénovation des lignes existantes pour développer les « trains du quotidien » et critiquent l’imposition d’une taxe spéciale à 2 340 communes proches du tracé pour ce chantier « pharaonique », cofinancé par l’État, les collectivités locales et l’Union européenne.

Mise à jour du lundi 14 octobre : les gendarmes, mauvais perdants, se vengent avec une perquisition du campement

France Bleu / dimanche 13 octobre 2024

Une perquisition a été menée dimanche en Gironde sur le campement des opposants à la future ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) du Sud-Ouest, au lendemain d’une mobilisation émaillée de dégradations, a annoncé le parquet. Entre 800 et 1.500 personnes étaient présentes.

La manifestation contre le projet de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, qui s’est déroulée depuis samedi dans le sud de la Gironde, est terminée, annonce ce dimanche soir la préfecture de la Gironde dans un communiqué. Elle a réuni « au plus fort de l’événement entre 800 et 1 000 personnes » dont « 300 contestataires radicaux », précise la préfecture. Les organisateurs revendiquent la présence de 1.500 personnes.
Sur l’ensemble du week-end, trois personnes ont été interpellées et 4.500 véhicules et 5.900 personnes ont été contrôlés. Un véhicule a également été volé et un fourgon de gendarmerie a été dégradé samedi après-midi. Dimanche à 18h30, il ne reste plus qu’une quarantaine de véhicules sur le camp en cours de démontage, ajoute le communiqué.

Une perquisition a été menée dimanche sur le campement des opposants, a appris l’AFP auprès du parquet et des organisateurs. « Ce sont des actes d’enquête tout à fait classiques qui sont en cours », a précisé le parquet de Bordeaux, confirmant que les investigations étaient liées au saccage samedi après-midi d’un véhicule de gendarmerie enlisé, par des manifestants cagoulés en marge d’un cortège en forêt. Des équipements (casques, bouclier, jambières) avaient été volés dans le véhicule.
Le collectif LGV Non Merci et le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre ont par ailleurs revendiqué des « peintures, banderoles, désarmements » ayant visé dans la nuit de samedi à dimanche plusieurs sites d’entreprises impliquées dans le projet de LGV, dont le cimentier Lafarge. Selon LGV Non Merci, plusieurs unités de la gendarmerie, dont des équipes cynophiles, ont fait irruption dimanche sur le camp installé pour le week-end à Lerm-et-Musset, à 75 km au sud de Bordeaux.
Quelque 500 objets ont été saisis, « dont deux fusils de chasse, deux arbalètes, 50 armes blanches, de nombreux artifices ainsi que des boules de pétanque, frondes, masques et lunettes de protection », a précisé la préfecture.

La Grappe le 14 octobre
Best of des actions faites durant l’évènement Freinage d’Urgence contre les LGV

Un zapping vidéo de la mobilisation à retrouver ici

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