Procès du 27 juin 2024 pour les 9 de l’ « affaire Lafarge »

Mise à jour de l’appel suite à l’audience du 27 juin au Tribunal judiciaire d’Évreux

Mise à jour : : Le procès en tant que tel a été reporté au 19 et 20 décembre 2024. La bonne nouvelle est que l’audience du 27 juin n’a pas juste entériné la nouvelle date de procès. Le juge a accédé la demande de levée des contrôles judiciaires des personnes poursuivies dans leur entièreté, y compris l’interdiction de se rendre dans l’Eure.

27 juin 2024 devant le tribunal d’Évreux : mobilisation de soutien aux 9 de l’ « affaire Lafarge »

Le 27 juin prochain, 9 personnes seront jugées au Tribunal d’Évreux dans le cadre d’un procès qui a tout de politique. Ce procès fait suite à l’arrestation par la Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT), le lundi 8 avril 2024, de 17 personnes suspectées d’avoir participé au désarmement d’une centrale à béton à Val-de-Reuil dans le cadre de la campagne d’actions menée contre Lafarge-Holcim et le monde du béton en décembre 2023 par plus de 200 organisations écologistes, paysannes, syndicales, comités locaux des Soulèvements de la terre et collectifs d’habitant.es en lutte contre l’artificialisation des terres.

La campagne d’actions décentralisées de l’hiver dernier a mobilisé, à travers tout l’hexagone, des milliers de personnes d’horizons divers. Du 9 au 12 décembre, en France, mais aussi en Suisse, en Belgique, en Allemagne, rassemblements festifs, collages d’affiches et accrochage de banderoles, manifestations avec ou sans intrusion, cadenassages de sites et désarmements se sont ainsi succédés, se répondant à l’unisson, visant des dizaines de sites de l’industrie mortifère du béton : 56 actions dans 5 pays différents, traçant un trait d’union entre les rassemblements festifs à visage découvert et des formes plus offensives, associées dans une même dynamique.

Le dimanche 12 décembre – un an jour pour jour après le désarmement de la cimenterie de Bouc-Bel-Air -, une centaine de militant.es se sont ainsi invité.es pendant une dizaine de minutes dans la centrale à béton de Val-de-Reuil, au sud de Rouen, pour la mettre à l’arrêt par des moyens simples, réappropriables. Comme l’expliquait un communiqué signé par « les pics mars et les tritons crêtés de la forêt de Bord », cette action était aussi menée en défense des centaines d’hectares de terres agricoles et forestières menacées d’être englouties sous le béton et le bitume du projet d’autoroute A133-134.

Le soir même, par la voie d’un article du Parisien, on apprenait que la SDAT était dépêchée sur place. Alors même que la multinationale Lafarge-Holcim était – et est toujours – mise en examen pour complicité de crime contre l’humanité et financement du terrorisme, l’État mobilisait une fois de plus les moyens de l’anti-terrorisme et les services d’enquête les mieux dotés qui soient pour traquer et mettre en examen des militant.es armé.es de leur seule détermination à ne pas se résigner au ravage. Il démontrait encore sa complicité avec les intérêts prédateurs d’une entreprise mafieuse et néocoloniale qui partout nous asphyxie et nous tue à petit feu.

Le lundi 8 avril, au petit matin, la police anti-terroriste déployait l’ensemble de son arsenal de terreur pour arrêter et perquisitionner, de manière extrêmement brutale, 17 personnes qui ne seront libérées qu’au terme d’une garde-à-vue éprouvante de plus de 64h. La débauche des moyens ne l’empêchera pas, au passage, de se tromper plusieurs fois d’adresse, de défoncer aléatoirement des portes au bélier, traumatisant des familles voisines plongées dans l’incompréhension. Aussitôt, des dizaines d’organisations et comités des Soulèvements de la terre manifestaient leur indignation et consignaient leur soutien aux interpellé.es.

Nous savons que le message que le ministère de l’Intérieur souhaite envoyer, à travers ces escouades d’hommes en armes et la froide machine judiciaire, ne s’adresse pas qu’aux 17 personnes qui auront fait les frais de ces arrestations et aux 9 prévenu.es. Sous l’inquisition de la SDAT, la participation à de simples « Fresques du climat », la possession de livres de cuisine végétarienne et de mangas « suspects », des engagements dans des associations sociales et environnementales, deviennent des éléments « à charge », censés matérialisés une forme de culpabilité a priori : il suffit d’écouter les récits des interrogatoires menées par la police anti-terroriste pour comprendre combien, dans la fuite en avant autoritaire en cours, toute forme d’engagement antagoniste – si minime soit-il – à la marche du monde tel qu’il va, est en passe d’être réencodée comme une « menace » à éradiquer par tous les moyens… Et il suffit de jeter un œil au « casting » des interpellé.es pour comprendre combien nous sommes tous.tes, tendanciellement, pris.es dans le viseur de logiques anti-terroristes et de dispositifs d’exception en passe de devenir la norme de gestion des contestations intérieures des politiques gouvernementales.

Ces interpellations et les procès qui s’ensuivent sont une réaction à la montée en puissance d’un front populaire contre la bétonisation du monde, du sentiment d’appartenance aux menées de cette communauté de lutte en devenir. L’État cherche à créer une stupéfaction telle que plus personne n’oserait s’organiser contre les bétonneurs. C’est une tentative cynique de briser le mouvement, de paralyser d’effroi les cœurs et les esprits des milliers de personnes qui ont participé à cette campagne internationale, mais aussi de ceux et celles qui les soutiennent d’ores et déjà et sont en passe de les rejoindre.

Aux contestations grondantes qui gagnent partout du terrain, sur le front de la lutte contre l’artificialisation des terres et au-delà (gilets jaunes, opposition à la réforme des retraites, révolte pour Nahel, fronde agricole, soutien à la Palestine, soulèvement kanak), l’État ne répond que par la brutalité, en déployant massivement des moyens exceptionnels de répression, et en criminalisant des franges de plus en plus larges des mouvements d’opposition sociale et écologique de ce pays. Mais cette brutalité ne fait que traduire sa fébrilité, sa peur panique de la formidable et joyeuse puissance de surgissement populaire contre le ravage et ses méfaits que ces folles journées de décembre, avec d’autres, ont réussi à incarner.

Ces opérations policières répétées ne nous intimideront pas. Nous nous tiendrons ensemble. Nous savons que des solidarités éprouvées peuvent désarmer la machine répressive.

Nous étions des milliers à nous lever contre l’empire du béton en décembre dernier. Soyons cette fois encore présent.es massivement pour réaffirmer notre soutien. Nous appelons à une mobilisation exceptionnelle le 27 juin à partir de 8h30 devant le tribunal d’Évreux pour soutenir les inculpé.es et continuer à dénoncer les vrais coupables.

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