Sources relayées sur sansnom.noblog.org
Un communiqué envoyé à plusieurs rédactions du monde entier et signé d’« une délégation inattendue », a revendiqué le sabotage coordonné de plusieurs lignes TGV dans la nuit du 25 au 26 juillet, à quelques heures de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. Parmi elles, Reporterre l’a reproduite en entier lundi 29 juillet, et nous la faisons suivre à notre tour.
Revendication du sabotage de lignes TGV quelques heures avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024
Ils appellent cela une fête ? Nous y voyons une célébration du nationalisme, une gigantesque mise en scène de l’assujettissement des populations par les États.
Sous des airs ludiques et conviviaux, les Jeux Olympiques offrent un champ d’expérimentation pour la gestion policière des foules et le contrôle généralisé de nos déplacements.
Comme tout grand évènement sportif, ils sont aussi à chaque fois l’occasion de vouer un culte aux valeurs qui fondent le monde du pouvoir et de l’argent, à la concurrence généralisée, à la performance à tout prix, au sacrifice pour l’intérêt et la gloire nationale.
L’injonction à s’identifier à une communauté imaginaire et à soutenir son supposé camp d’appartenance n’est pas moins néfaste que l’incitation permanente à voir son salut dans la bonne santé de son économie nationale et dans la puissance de son armée nationale.
Il faut aujourd’hui des doses toujours plus grandes de mauvaise foi et de déni pour ne pas voir toute l’horreur que génère la société de consommation et la poursuite du prétendu « bien-être à l’occidental ». La France voudrait faire de cette grande messe la vitrine de son excellence. Elle ne pourra bercer d’illusions sur son rôle vertueux que ceux qui ont décider de se mettre des œillères, et qui s’en accommodent. Nous leur adressons notre mépris le plus profond.
Le rayonnement de la France passe par la production d’armes dont le volume de ventes la place deuxième exportateur mondial. L’État est fier de son complexe militaro-industriel et de son arsenal « made in France ». Répandre les moyens de la terreur, de la mort et de la dévastation à travers le monde pour assurer sa prospérité ? Cocoricooo !
N’en déplaise aux crédules qui croient encore aux fables démocratiques, l’État français emploie aussi sa panoplie répressive pour affronter sa propre population. Pour mater les émeutes après le meurtre de Nahel par la police en juin 2023 ou pour tenter d’arrêter le soulèvement anticoloniale en Kanaky récemment. Tant qu’il existera, l’État ne cessera de la mettre à l’oeuvre pour combattre ceux qui défient son autorité.
Les activités des entreprises françaises à travers le monde rendent toujours plus manifeste les dévastations sociales et environnementales que produit le système capitaliste. Celles nécessaires pour reproduire l’organisation sociale actuelle, et celles inhérentes au progrès scientifique et technologique. Progrès qui ne perçoit l’enchaînement des catastrophes passées, présentes et à venir que comme l’occasion d’un bond en avant.
Total poursuit le pillage et la spoliation de nouvelles contrées en quête de pétrole et de gaz de schiste (Afrique de l’est, Argentine etc). Sous couvert de son nouveau label vert, l’industrie du nucléaire et l’exportation du savoir-faire français en la matière nous assure, à plus ou moins brève échéance, une planète irradiée, donc littéralement inhabitable. Rien de plus qu’une crise de plus à gérer pour les promoteurs de l’atome. Eux qui ne peuvent se passer de leur coopération avec l’État russe à travers son géant Rosatom et de l’appui de son armée pour écraser le soulèvement au Kazakstan en 2022, important pays fournisseur d’uranium. Ce minerai qui fait tourner les 58 réacteurs de l’hexagone.
Alors, quel est le coût humain, social et environnemental pour que quelques privilégiés se déplacent vite et loin en TGV ? Infiniment trop. Le chemin de fer n’est d’ailleurs pas une infrastructure anodine. Il a toujours été un moyen pour la colonisation de nouveaux territoires, un préalable à leur dévastation et une voie toute tracée pour l’extension du capitalisme et du contrôle étatique. Le chantier de la ligne appelée « Tren maya » au Mexique, auquel collabore Alstom et NGE, en est une bonne illustration.
Et les batteries électriques indispensables à la prétendue « transition énergétique » ? Parlez-en, par exemple, aux travailleurs de la mine de Bou-azeer et des habitants des oasis de cette région marocaine qui font les frais de cette ruée vers l’or du XXIe siècle. Renault y extrait les minerais nécessaires pour donner bonne conscience aux écolos des métropoles sur le dos de vies sacrifiées. Parlez-en à ce « peuple de la forêt » de l’ile d’Halmahera au nord-est de l’Indonésie, aux Hongana Manyawa qui désespèrent de voir la forêt où ils vivent être détruite sur l’autel de la la « transition écologique ». L’État français, via la société Eramet, participe au ravage de terres jusque là épargnées. De même, il ne veut pas lâcher le Caillou mélanésien pour continuer à y arracher le précieux nickel.
Nous nous arrêterons ici dans l’impossible inventaire des activités mortifères et prédatrices propre à tout État et à toute économie capitaliste. Cela ne serait d’ailleurs d’aucune aide pour rompre avec une vie fade et déprimante, avec une vie d’exploités, et pour affronter la violence des États et des chefs religieux, des chefs de famille et des patrouilles de police, des patriotes et des milices patronales, autant qu’à celle des actionnaires, des entrepreneurs, des ingénieurs, des planificateurs et des architectes du ravage en cours. Fort heureusement l’arrogance du pouvoir continue de se heurter à la hargne des opprimé-e-s rebelles. D’émeutes en insurrection, lors de manifestations offensives et de soulèvements, à travers des luttes quotidiennes et des résistances souterraines.
Qu’en ce jour résonnent alors, à travers le sabotage des lignes TGV reliant Paris aux quatre coins de la France, les cris de « femme, vie, liberté » d’Iran, les luttes des amazoniens, les « nique la france » venant d’Océanie, les désirs de liberté qui nous parviennent du Levant et du Soudan, les combats qui continuent derrière les murs des prisons et l’insoumission des déserteurs du monde entier.
A ceux qui reprochent à ces actes de gâcher le séjour de touristes ou de perturber les départs en vacances, nous répondons que c’est si peu encore. Si peu comparé à cet événement auquel nous souhaitons participer et que nous appelons de tout cœur : la chute d’un monde qui repose sur l’exploitation et la domination. Là oui, nous aurons quelque chose à fêter.
Une délégation inattendue
Attaque « massive » du réseau SNCF : des câbles avaient déjà été visés lors du passage de la flamme olympique à Marseille
France3/BFM, 26 juillet 2024
Un précédent avant l’acte de « sabotage » sur les installations SNCF de ce vendredi 26 juillet. Un engin incendiaire sommairement constitué avec des bouteilles remplies d’essence, équipées d’une mèche pour allumer l’ensemble, avait été retrouvé sur la ligne LGV entre Aix et Marseille le 8 mai dernier lors de l’arrivée de la flamme olympique à Marseille
Des câbles avaient été découverts incendiés sur la ligne LGV Marseille-Paris, avec quatre engins incendiaires, à 4 km d’Aix-en-Provence. A l’intérieur de ces engins, des bouteilles, les policiers avaient retrouvé un liquide jaune et une mèche accompagnée de savon et de sciure pour accélérer la combustion. Une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille. La Division de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS) 13 et la sous-direction antiterroriste (SDAT) ont été saisis.
A propos du sabotage coordonné contre les lignes TGV à quelques heures des J.O.
La nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juillet, quelques heures avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, les lignes de trains à grande vitesse (TGV) ont été attaquées dans toutes les directions menant à la capitale. Soit une « attaque massive et coordonnée pour paralyser le réseau », comme l’ont titré de nombreux journaux. Rien que le vendredi, ce sont « 250 000 clients » qui ont été touchés par ces actes de sabotage, et « près de 800 000 sur le week-end », selon la compagnie ferroviaire. « A travers la SNCF c’est un bout de la France qu’on attaque et c’est les Français qu’on attaque » a immédiatement déclaré Jean-Pierre Farandou, le patron de la SNCF, tout en dénonçant les saboteurs comme « une bande d’illuminés, d’irresponsables ». De son côté, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera n’a pu contenir sa colère : « C’est les Jeux des athlètes qui en rêvent depuis des années et qui se battent pour le Graal de monter sur ces podiums, et on va leur saboter ça à eux ! Jouer contre les Jeux, c’est jouer contre la France, c’est jouer contre son camp, c’est jouer contre son pays ».
Concrètement, dans le Nord, c’est à Croisilles, près d’Arras (Pas-de-Calais) que le réseau des TGV a été saboté, coupant également le trafic ferroviaire international vers Londres, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. Dans l’Est, c’est en deux endroits distincts qu’il a été coupé : entre la gare de Meuse TGV et Lamorville (Meuse), ainsi qu’entre Pagny-sur-Moselle et Vandières (Meurthe-et-Moselle). A l’Ouest, c’est à Vald’Yerre, près de Courtalain (Eure-et-Loire) qu’il a été coupé, touchant aussi bien la direction vers la Bretagne (Rennes, etc.) que vers la Gironde (Bordeaux etc.). Et sur la ligne Sud-Est (Paris-Lyon-Marseille), c’est à Vertigny (Yonne) qu’a eu lieu une tentative de sabotage, qui aurait échoué après que les saboteurs aient été surpris « par des cheminots qui menaient des opérations d’entretien pendant la nuit », conduisant les gendarmes à mettre la main sur « des engins incendiaires » non-allumés et aussitôt expédiés au labo.
En outre, en banlieue parisienne concernant également le réseau Ouest, un caténaire a été arraché entre la gare Montparnasse et Vanves-Malakoff (Hauts-de-Seine) par un TGV qui a tenté de passer par une ligne plus classique et pas adaptée (la N du Transilien), en aggravant encore la conséquence du sabotage… ce qui donne pour la SNCF un incident « en lien avec les actes de malveillance commis sur la ligne grande vitesse Atlantique ». Quant au fond, son PDG a déploré « la volonté évidente de couper Paris de ses principales lignes à grande vitesse juste avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques », dans une conférence de presse tenue le samedi 27 juillet.
Au total, cette nuit d’été pré-olympique a donc été officiellement marquée par cinq sites visés en province, avec quatre sabotages réussis et un déjoué, entre 1h et 5h30 du matin. Avec à chaque fois des câbles de fibre optique sectionnés ou incendiés, qui se trouvaient dans de petites rigoles courant le long des voies, et situés non loin de postes d’aiguillages coordonnant des nœuds importants du trafic ferroviaire, là où les voies se séparent dans plusieurs directions. « Avec un [tel] incendie en fait, on prive à chaque fois deux branches du réseau », a expliqué le patron de SNCF Réseau, Matthieu Chabanel (Le Figaro, 26/7). En effet, ces câbles désormais calcinés commandent les moteurs des aiguillages, mais servent également à la transmission des informations vers les postes de signalisation. « Dès que les câbles de signalisation ou de commande des aiguillages ont été endommagés, coupés ou brûlés, les installations se sont immédiatement mises en mode feu rouge, raconte Vincent Téton, directeur général adjoint opération et production chez SNCF Réseau, également en charge de la coordination gestion de crises. Les trains circulant sur les voies concernées se sont alors arrêtés automatiquement. » (Le Parisien, 27/7).
Pour procéder à leur réparation une fois cescâbles spéciaux coupés ou cramés, les techniciens doivent d’abord les remplacer en les faisant venir de sites parfois lointains (la SNCF possède « deux grands centres de stockage, l’un situé sur la façade atlantique, l’autre en région Grand-Est » nous informe Le Parisien), puis les câbliers doivent remettre en place la connectivité de façon fastidieuse, car « ces câbles comportent chacun des fils. Et par exemple si vous avez 50 câbles qui comportent chacun 10 fils, ça fait 500 fils qu’il faut reconnecter ensuite un par un », et à la fin ils doivent retester l’ensemble des relais électriques pour s’assurer de leur bon fonctionnement. Sur l’axe-nord saboté à Croisilles, ce sont ainsi une cinquantaine de câbles qui ont brûlé, affectant durement le poste d’aiguillage stratégique situé à cet endroit (PRCI : Poste relais à commande informatique), selon La Voix du Nord (26/7). Et sur l’axe-est saboté à Vandières, ce sont pas moins de six chambres de câbles qui ont été incendiées selon l’Est Républicain (26/7).
Bref, ces coupures de chemins de câbles de fibre optique au bon endroit (le long des voies ferrées à proximité de bifurcation de lignes) et au bon moment (quelques heures avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024), avec des moyens rudimentaires comme de l’essence, ont réussi à paralyser une bonne partie du réseau des TGV et à gâcher une fête olympique qui devait se dérouler sans accrocs.
Vendredi 26 et samedi 27 juillet, la SNCF a choisi de continuer à faire circuler des TGV, mais avec beaucoup de retards au départ comme à l’arrivée, puisqu’ils ont dû emprunter des lignes classiques et des déviations géographiques ou en roulant au pas, sans compter tous ceux qui ont été annulés. Comme ces « 25% des trains Eurostar entre Paris et Londres et Paris et Bruxelles » ; comme ces « 4 trains circulant avec des athlètes à bord » vendredi, et dont seuls les « deux premiers sont arrivés » à Paris en temps et en heure (le 3e a été retardé, et l’équipe d’athlètes présente sur le 4e a dû être transférée dans un autre train) ; ou comme les trains où voyageaient une partie des volontaires sélectionnés pour assurer le déroulement des JO mais aussi plusieurs milliers de spectateurs se rendant sur Paris, qui tous manqueront à l’appel lors de la cérémonie d’ouverture ou des premières épreuves.
Au total, ce sont 200 TGV qui ont tout bonnement été supprimés, sur les 750 qui devaient initialement circuler ce week-end, et les autres qui ont accumulé des milliers d’heures de retard. Le retour complet à la normale sur l’ensemble du réseau ferroviaire à grande vitesse n’est pas prévu avant lundi 29 juillet au matin.
Du côté de l’Etat français, c’est le parquet de Paris, et plus précisément la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) créée en son sein en 2020 pour traiter les dossiers les plus complexes, qui a annoncé s’être auto-saisie de l’enquête pour « l’ensemble des dégradations volontaires causées sur des sites SNCF ». Le parquet a ouvert une enquête pour des chefs de « détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », « dégradations et tentatives de dégradations par moyen dangereux en bande organisée », « atteintes à un système de traitement automatisé de données en bande organisée » et « association de malfaiteurs en vue de commettre ces crimes et délits ». Puis il a co-chargé de l’enquête les directions générales de la police et de la gendarmerie, dont la sous-direction antiterroriste (SDAT) de cette dernière a été désignée comme service coordinateur des investigations. Dans chaque région où il y a eu un acte de sabotage, les sections de recherches (SR) de la gendarmerie gèrent localement le recueil d’indices, soit Lille, Dijon, Orléans et Nancy, sachant que les pandores ont claironné sur les radios d’Etat (France info & inter, 26/7) avoir mis « plus de 50 enquêteurs » sur cette affaire.
Enfin, les journaux rappellent que des sabotages similaires se sont produits ces dernières années en Allemagne (peut-être font-ils allusion au sabotage coordonné mené en septembre 2023 contre le trafic ferroviaire de marchandises à Hambourg ou à celui d’octobre 2022 qui avait paralysé le nord du pays), mais également en France, comme au début du mouvement contre la réforme des retraites en janvier 2023, où la LGV Est avait été attaquée à Vaires-sur-Marne, paralysant pendant deux jours la gare de l’Est à Paris. En tout cas, au vu du « mode opératoire » qui serait « typique de l’ultra-gauche » (France Bleu, 26/7), les 3000 individus fichés dans cette catégorie policière constitueraient une « piste privilégiée » des enquêteurs, selon ce qui a volontairement fuité dans les médias dès vendredi, Une thèse qui s’est en partie renforcée au lendemain des sabotages, samedi 27 juillet, avec l’arrivée du communiqué de revendication signé d’une « délégation inattendue ».
[Synthèse de la presse nationale, 26-27 juillet 2024]