Note de Campi selvaggi : nous publions ce message qui nous a été envoyé par la Roumanie en vue de la manifestation en solidarité avec tous les déserteurs du 2 décembre 2024 à Rome.
Un message internationaliste & antimilitariste de Roumanie
Nous préparons ce message ce soir du 1er décembre, le jour où est célébrée la fête
nationale roumaine. Le jour où se sont tenues des élections parlementaires et qui se trouve entre les deux tours de l’élection présidentielle du pays. Dans cette période sombre pour certain·e·s et pleine d’espoir pour d’autres, de nombreux·ses roumain·e·s (y compris celleux de la « diaspora ») se sont senti·e·s appelé·e·s à apporter, avec leur propre vote, un changement dans le gouvernement du pays. Compte tenu de la gouvernance de ce pays au cours des dernières années et de la souffrance provoquée dans la majeure partie de la population, ainsi que le contexte mondial caractérisé par les guerres et la militarisation de sociétés européennes, la société roumaine a toutes les raisons de vouloir un changement dans le système politique. Au moins le local.
Mais le vote s’avère, comme toujours, être un mensonge, une fiction que les politicien·ne·s (les anciens comme les nouveaux) utilisent habilement pour gagner en légitimité en profitant d’une population souffrante. Et le messianisme salvateur de celleux qui semblent gagner cette élection, c’est-à-dire les représentant·e·s de l’extrême droite, n’est que l’appât le plus toxique qu’une société puisse avaler.
Les frontières, la souveraineté, l’identité, le nationalisme (avec à l’ombre la guerre), la défense des traditions et du christianisme sont proposés comme un faux antidote dans un monde à la dérive. Le nazisme a promis les mêmes choses. Mais l’histoire nous a déjà montré que ces médicaments prescrits ont des effets secondaires, incompatibles avec la vie elle-même, criminels : c’est-à-dire isolement, militarisation nationaliste, exploitation « souveraine », xénophobie et racisme, discrimination, extermination.
Lors de ces élections, de nombreux·ses Roumain·e·s ont voté précisément celleux pour lesquel·le·s le fascisme, le nazisme et le légionarisme représentent des modèles de développement spirituel, économique et culturel. Pour la fonction de président de la Roumanie, s’est présenté un homme (et il a été élu au premier tour !) pour qui l’eau n’est pas H2O et les criminels fascistes et légionnaires tels qu’Antonescu et Codreanu devraient être considérés comme des héros nationaux.
Un des principaux membres du parlement roumain espère (et semble avoir des chances) d’occuper le parti d’extrême droite AUR, dont « l’intérêt stratégique » national est le développement du « capital autochtone ». C’est-à-dire l’exploitation nationale. Mais celleux qui travaillent dans d’autres pays voient que nous avons plus en commun avec un·e travailleur·se d’Italie, du Maroc, d’Albanie, de Moldavie, d’Ukraine qu’avec celleux qui paient nos salaires, indifféremment de leur nationalité.
Un·e entrepreneur·e allemand·e ou italien·e n’est pas meilleur·e qu’un·e roumain·e simplement parce qu’iel est « occidental·e ». Tout comme lae roumain·e n’est pas meilleur·e que les autres simplement parce qu’iel est « l’un·e des nôtres ». Tout le monde a les mêmes intérêts. Et les vrais problèmes, tels que l’inégalité économique, la division sociale, les intérêts financiers et politiques des dirigeant·e·s, sont cachés par des discours patriotiques. La classe des politicien·ne·s, des grandes entreprises, du capitalisme financier local ou international, n’a qu’à gagner de l’affrontement parmi les plus faibles, incitant à l’un·e contre les autres (la « diaspora » n’est pas celle qui se dispute le plus avec celleux qui « restent chez elleux » chaque fois qu’il y a des élections ?)
Comme les patron·e·s, ainsi est la guerre. Comme les grand·e·s patron·e·s (et les États qu’iels dirigent) ont les mêmes intérêts, ainsi aucune guerre ne peut être plus juste qu’une autre. Lorsqu’un parti « patriote » dit « nous voulons la paix », il dit en réalité « nous voulons la dynamisation des entreprises nationales dans le secteur militaire », nous voulons « des investissements dans la création d’unités de production pour l’OTAN » (citation du programme de l’AUR). Cela signifie la paix pour elleux : les usines, armes et uniformes tricolores. Mais de quelle couleur est la mort ?
Nous sommes tous·te·s les victimes de la guerre, indifféremment de la nationalité, la religion, l’ethnie, l’orientation sexuelle ou de genre. Celleux qui sont plus ou moins proches de la ligne de front ne peuvent être que solidaires, pour soutenir toute personne forcée de lutter contre un agresseur. Mais peut-être ressentirons-nous une passion encore plus grande pour toutes ces personnes qui décident et parviennent à échapper aux griffes des milices, refusant de sacrifier leur vie pour la « patrie » et la « nation ». Les plus humbles ont toujours été appelé·e·s par les dirigeant·e·s des États, qu’iels soient plus ou moins « souverain·e·s », pour sacrifier leur vie dans les jeux des classes politiques auto-proclamés « patriotiques ».
Les plus humbles, indifféremment de leur origine, italiens, ukrainiens, russes ou roumains, sont exhortés (certains même obligés) à croire et à répondre à l’appel du sacrifice et au meurtre au nom d’un bien suprême national, souverain. Des partis comme AUR et SOS Roumanie, et des politicien·ne·s comme Georgescu, Simion, Șoșoacă et d’autres légionnaires ou « patriotes » partisan·e·s du fascisme nous disent qu’un impérialisme de l’Ouest est mauvais, mais celui de l’Est est bon. Nous disons que tous les impérialismes sont dignes du même jugement et qu’en tant que tels, ils doivent être combattus. Et dans le chaos assourdissant des guerres, la seule réponse digne de l’humanité et de la justice ne peut être donnée que par notre voix, par celleux qui sont appelé·e·s au sacrifice, quel que soit le pays où nous sommes né·e·s.
La seule réponse : seule la voix de la solidarité active, complice avec quiconque (en Ukraine comme en Russie) refuse de croire à la guerre et au crime. Une voix qui lutte pour un monde sans frontières. La seule réponse est la voix qui crie dans toutes les langues.
(un collectif anti-autoritaire du NE de la Roumanie)
Ici la version en roumain : apeldelaest
2 DÉCEMBRE, ROME (ITALIE).
En novembre, nous étions devant le Consulat ukrainien de Milan, le 2 décembre, nous serons devant l’Ambassade ukrainienne à Rome pour réaffirmer que refuser de combattre n’est pas seulement juste, mais c’est la seule façon d’éviter un désastre mondial pour toute l’humanité. Contre les frontières fermées pour empêcher la fuite de ceux qui se rebellent, du côté de ceux qui refusent de mourir pour leur patrie et de ceux qui cherchent à entraver la machine de guerre partout en Ukraine, en Italie, dans le reste de l’Europe et du monde.
Ambassade ukrainienne à Rome
via monte Pramaggiore 13
2 décembre, 10:00
La spirale de violence s’intensifie le long des tranchées sur le front OTAN-Russie, dans une guerre dont seuls les exploités paient le prix et dont la base industrielle se trouve aussi ici en Italie, « poudrière » ukrainienne. Nous ne sommes ni pour l’un ni pour l’autre, nous sommes hostiles à tous les États et solidaires avec tous les exploités, qu’ils soient ukrainiens, russes ou de n’importe quelle origine.
Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’enrôlés ukrainiens désertent ou se retournent contre leurs commandants, des centaines de milliers de recrues se cachent, les ravisseurs de l’armée rencontrent une hostilité populaire croissante. Cela démontre un refus généralisé de la guerre, qui se manifeste également de plus en plus en Russie.
Pendant ce temps, dans plusieurs pays européens, on relance la production d’armes, on réintroduit le service militaire obligatoire, on renforce les lois répressives pour éviter tout acte de rébellion. Toute l’Europe est entraînée dans la guerre, tandis que l’utilisation des armes atomiques semble être au coin de la rue. Seul le courage de dire non à la guerre peut arrêter le massacre total vers lequel les riches maîtres du monde poussent l’humanité.
Depuis mai, les Consulats et Ambassades ukrainiennes en Italie exécutent les ordres du gouvernement Zelensky à court de chair à canon, visant à rappeler les rebelles qui ont réussi à s’échapper de la frontière blindée. Les services consulaires, y compris le renouvellement de passeport, ne sont plus fournis aux hommes âgés de 18 à 60 ans s’ils n’actualisent pas leurs données sur Réserve+ [Резерв+], le registre électronique en forme de QR code servant à l’enrôlement.
En novembre, nous étions devant le Consulat ukrainien à Milan, le 2 décembre, nous serons devant l’Ambassade ukrainien à Rome pour réaffirmer que refuser de combattre n’est pas seulement juste, mais c’est la seule façon d’éviter un désastre mondial pour toute l’humanité. Contre les frontières fermées pour empêcher la fuite de ceux qui se rebellent, du côté de ceux qui refusent de mourir pour leur patrie et de ceux qui cherchent à entraver la machine de guerre partout en Ukraine, en Italie, dans le reste de l’Europe et du monde.