Le nucléaire est en effet l’une des énergies les plus dangereuses et polluantes qui soient : mines d’uranium, production de déchets radioactifs, rejets continus radioactifs et chimiques des centrales dans l’air et l’eau, etc.
Rappelons aussi que la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité est passée de 17,1 % en 2001 à 9,2 % à ce jour, un véritable effondrement qui va continuer avec la fermeture inéluctable dans les années à venir d’au moins 160 vieux réacteurs sur les 400 encore en service sur Terre : si c’est vraiment le nucléaire qui doit combattre le réchauffement climatique, celui-ci a de beaux (et chauds !) jours devant lui.
Mais ce qu’il est important de préciser, c’est que les députés européens ne vont ni financer ni construire des centrales nucléaires. Il en est de même des divers chefs d’État ou de gouvernement qui rivalisent ces derniers temps, à celui qui annoncera plus de futurs réacteurs que son voisin. Tous ces beaux parleurs prétendent « sauver le climat » — quand ce n’est pas carrément « la planète » — avec :
- de puissantes machines comme l’EPR français — ou du moins son successeur l’EPR2, prétendument « moins cher, plus sûr, plus facile à construire » —, ou l’AP1000 américain ;
- une multitude de petits réacteurs modulaires, les fameux SMR, qui doivent pulluler sur Terre aussi sûrement qu’un virus du Covid.
Une électricité ruineuse
Or, il y a quelques semaines, le 9 novembre, on apprenait par l’agence Reuters que l’entreprise américaine NuScale Power avait renoncé à son projet de petit réacteur modulaire, « portant un coup aux ambitions américaines d’une vague d’énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique ».
Il faut dire que le projet devait être préfinancé par les futurs clients — des entreprises et des collectivités locales — qui ont fini par se retirer en dépit d’une garantie de 1,4 milliard de dollars sur dix ans et d’une subvention de 600 millions de la part du département américain de l’énergie. En effet, le projet promis en 2020 annonçait fièrement une puissance de 720 MW pour un coût de 3,6 milliards… avant de passer à 462 MW pour 9,3 milliards, c’est-à-dire quatre fois plus cher que prévu.
« Les renouvelables 2 à 3 fois moins chères »
Aux dernières nouvelles, l’électricité ainsi engendrée était projetée aux environs de 120 dollars par mégawattheure, probablement beaucoup plus en réalité, mais dans tous les cas, ce serait un tarif totalement rédhibitoire : les énergies renouvelables produisent aujourd’hui une électricité abondante à un tarif 2 à 3 fois moins cher, et l’écart ne fait que s’agrandir.
Il s’agit d’un coup fatal pour l’industrie nucléaire, car NuScale était le seul projet de SMR validé par les autorités américaines et, de façon générale, tous les autres projets (tel Nuward en France) vont se fracasser sur le même problème : comme annoncé le 14 octobre 2021 dans une tribune publiée par Le Monde, « s’ils voient le jour, les petits réacteurs nucléaires modulaires produiront une électricité ruineuse ».
Et il est de plus en plus probable qu’ils ne voient même pas le jour. Sauf à s’adresser aux Russes ou aux Chinois — ce qui est exclu pour la plupart des clients potentiels, pour la plupart situés en Europe —, il ne reste donc plus à l’industrie nucléaire et ses supporters que la piste des gros réacteurs comme l’EPR français ou l’AP1000 américain.
Surcoûts, retards
L’un comme l’autre sont d’ores et déjà des désastres industriels et financiers. Annoncé à des dizaines d’exemplaires aux États-Unis, l’AP1000 a été annulé presque partout, sauf en Caroline du Sud… où le chantier a finalement été stoppé et abandonné, et en Géorgie, où un seul réacteur a pu démarrer, avec sept ans de retard et un coût multiplié par deux.
Quant à l’EPR, le suspense demeure à Flamanville, où le réacteur est supposé démarrer en 2024 avec douze ans de retard et un coût multiplié par cinq (selon les estimations de la Cour des comptes). Les EPR de Finlande et de Chine, mis en service également avec de longues années de retard, sont régulièrement arrêtés pour d’inquiétants dysfonctionnements. Quant au chantier d’Hinkley Point, en Angleterre, il suit la voie de son frère français avec de lourds retards et surcoûts.
Bien sûr, EDF et les autorités françaises annoncent désormais des EPR2, « plus faciles et moins chers à construire », mais qui peut encore croire à ces belles paroles ? Rappelons que l’industrie nucléaire française est aussi en grave défaillance sur les chantiers des réacteurs Iter (fusion nucléaire) et RJH, un réacteur de recherche dont la mise en service est désormais annoncée pour 2034… au lieu de 2014.
Pas de chance, le RJH était prévu pour appuyer la recherche sur la prolongation de la durée de vie du parc existant, sur les EPR2, et sur les SMR. Il arrivera longtemps après la bataille et après avoir anéanti quelques milliards de plus, mais qui se soucie de cette gabegie [1] ?
Des macroniens aux communistes en passant par le RN, l’essentiel pour les adeptes de l’atome est de clamer qu’ils vont « sauver le climat », alors qu’ils veulent juste gaspiller dans le nucléaire les milliards qui permettraient justement de prendre les mesures nécessaires (plans d’économies d’énergie et de développement des renouvelables).
Voilà qui nous ramène aux députés européens : après leur vote ubuesque, ils s’affairent déjà à d’autres questions, incapables d’expliquer comment les industriels européens vont bien pouvoir trouver les ressources humaines et financières pour construire les nombreux réacteurs annoncés : en France même, malgré la propagande du VRP de l’atome, Jean-Marc Jancovici, les jeunes ingénieurs et techniciens manquent à l’appel et, d’autre part, EDF et l’État français sont dans des situations financières catastrophiques. Il est impossible de savoir si quelqu’un ou quelque chose va « sauver le climat », mais une chose est sûre, ce ne sera pas le nucléaire…