...Para bellum...

« …Il y a bien sûr des pervers et des bourreaux prenant plaisirs aux souffrances des autres, mais surtout des tas d’honnêtes citoyens et citoyennes qui croient en la légalité et reproduisent ainsi docilement les petits mécanismes du pouvoir, ces mêmes mécanismes qui charrient derrière eux des rivières de larmes et de sang. Il est plus facile de développer une personnalité compatible avec ce que le pouvoir attend de nous que de le braver en développant sa personnalité propre, en se constituant comme individu-e autonome pouvant s’associer librement à d’autres. Il est plus facile de taper sur le Noir de service que d’aller chercher le président Macron à l’Elysée. Il est plus facile de pointer du doigt les « assisté-es » survivant avec le RSA que de faire plier son patron par la grève… » Et pourtant, c’est bel et bien toujours le sentiment de révolte et le pari de la révolution que cette brochure entend alimenter, quitte pour cela à devoir user d’une autre brutalité, une brutalité visant le pouvoir.

Brochure 20p.

Sommaire

La parenthèse démocratique du capitalisme et son déclin
L’extinction des lucioles
Sauvez-nous Seigneur ! et autres bondieuseries
La tentation néofasciste
La guerre perpétuelle
Amour de la loi et brutalité ordinaire
Que faire de cette situation ?

« Louis. – Mais quoi ! Les hommes sont mauvais par nature, et s’il n’y avait pas les lois, les juges et les gendarmes pour nous tenir en respect, pires que les loups, nous nous dévorerions entre nous.
Georges. – S’il en était ainsi, ce serait une raison de plus de ne donner à personne le pouvoir de commander et de disposer de la liberté des autres »,
Errico Malatesta

Alors qu’un nouvel ordre social commençait à poindre le bout de son nez, un philosophe monarchiste définissait la nature humaine comme violente. Selon Hobbes (1651), l’être humain serait porté à la guerre perpétuelle de tous contre chacun. Dès lors, le seul moyen de garantir la sécurité serait de rassembler toutes les puissances de chaque indidivu-e en une seule volonté, de soumettre chaque volonté individuelle à une seule personne (ou une petite assemblée de personnes) : il faudrait abandonner sa liberté et s’en remettre à l’Etat. Il faut dire que les contrées européennes où se trame alors la naissance du capitalisme sont en proie à des guerres chroniques entre seigneurs, princes et religions.

L’originalité du système capitaliste et industriel est de proposer de s’appuyer sur les penchants les plus égoïstes de l’être humain pour construire un nouveau modèle de société : l’appât du gain, la recherche de la puissance, la soif de l’or. Grâce à une « main invisible », la recherche de l’intérêt personnel favoriserait paradoxalement l’intérêt général. Les conquistadors sont évidemment des caricatures du nouveau rapport au monde qui se constitue alors.

Le matérialisme étriqué oublie en général ce qui motive les gestes et façonne les outils : un certain rapport au monde. Considérer les autres – êtres et nature – comme un moyen en vue de la fin que je me suis fixé, voilà ce qui a été le véritable avantage décisif dans la conquête du monde. Ni les armes, ni les technologies, ni le climat tempéré ou même la cruauté n’expliquent pourquoi l’Occident va s’emparer si facilement de la planète en quelques siècles. Le capitalisme n’a pas été produit par la machine à vapeur, même s’il trouve avec et dans cette technologie son plein épanouissement, mais par un état d’esprit bien singulier.

Par ce rapport au monde, il s’agit, en réalité, de substituer à l’état de guerre perpétuelle la guerre contre la nature, pour s’en rendre comme maître et possesseur, et la guerre économique : progrès et concurrence sont alors censés amener la paix et la prospérité. Evidemment, comme dans tout refoulement, la pulsion violente revient par la fenêtre et la naissance du capitalisme se fera en réalité par les pires horreurs : traite négrière, colonisation, féminicides, expropriations des petits paysans et paysannes, etc. La violence la plus explicite est déportée sur les marges pour être rendue acceptable.

Comme le dit l’anarchiste Carlo Cafiero, c’est bien « par le fer et le feu » que nos milieux ont été façonnés pour permettre le développement de l’accumulation du capital. C’est bel et bien l’Etat et le Capital qui ont transformé l’être humain en prédateurs pour ses congénères. Une fois la dynamique installée, le mode de production capitaliste n’a plus eu besoin d’un tel recours à la force – si ce n’est ponctuellement quand elle s’enraye, que des exploité-es se révoltent ou que la guerre bien réelle ressurgit, comme lors des deux guerres mondiales. De manière générale, la socialisation à la concurrence et la soumission par l’école et le travail, ainsi que les contraintes matérielles liées à l’obligation de gagner sa vie, suffisent à faire tenir le monstre. Evidemment, la production de cadavres continue sous le tapis. Qui se soucie du gamin congolais crevant dans les mines de cobalt ?
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