Contre le contournement sud-ouest de Cherbourg

« un serpent de mer » : c’est ainsi que l’association ARSOC, qui promeut activement le contournement sud-ouest de la ville de Cherbourg-en-Cotentin, fait référence à ce projet qui, depuis les années 80, resurgit régulièrement au gré des magouilles électoralistes et des opportunités de financement.

Récemment, la région Normandie qui ne sait plus quoi faire de son fric et de son quota d’artificialisation des terres a labellisé ce projet « d’intérêt régional » pour en assurer une partie du financement.

De fait, plusieurs projets de grandes infrastructures routières ont été abandonnés ou sérieusement revus à la baisse (comme celui de la d924 entre Briouze et Sevray ou celui de la 4 voies Coutances-Saint-Lo) suite à des mouvements d’opposition déterminés.

Gageons qu’il en sera de même pour le projet de contournement de Cherbourg ?

Les processus de concertations préalables touchent bientôt à leur fin. Les réunions publiques ont pris la forme habituelle d’un simulacre démocratique avec son lot de boomers porteurs de projet dûment cravatés et perchés sur leur podium dans un dispositif spectaculaire (écrans géants, voix sur-amplifiées...) et de présentations descendantes appuyées sur des statistiques absurdes et des données partiales et partielles. à toute question précise ou dérangeante, la réponse est récurrente : « euh, à ce stade du projet, on n’a pas encore détaillé les études... »

Nous ne nous étendrons pas ici sur cette farce démocratique : les personnes qui y croyaient encore ont pu se faire leur opinion par elles-mêmes. Il reste encore possible jusqu’au 15 avril d’aller donner son avis sur le site du département.

Cela dit, ces réunions ont permis aux opposant.es de se rencontrer et un collectif citoyen a vu le jour sous le nom de « Stop contournement Cherbourg ». Ce collectif - en cours de constitution et de formalisation - peut être contacté (et rejoint) via l’adresse stopcontournementcherbourg chez privacyrequired.com

Ce collectif semble prendre le relais de la coopérative citoyenne de Cherbourg qui, attentive aux conditions du débat, a organisé une veille, des réunions d’information et plusieurs ballades commentées sur des sites menacés par le projet, sans toutefois s’y opposer frontalement.

Il serait difficile de lister ici toutes les raisons de renvoyer définitivement ce projet aux oubliettes des archives dont il n’aurait jamais du sortir. Mentionnons rapidement :

une absurdité environnementale

... avec l’artificialisation de 55ha de bocage, de terres agricoles, de zones humides et la construction d’un grand viaduc au-dessus de la vallée de Quincampoix. On prétend même déconcentrer la pollution de l’air, pourtant surtout vicié dans la cuvette de Cherbourg par les escales régulières de gigantesques bateaux de croisières vomissant des hordes de touristes déguisés en Mickeys.

une vision rétrograde des modalités de déplacement pour favoriser toujours davantage la voiture individuelle

« Nous ne sommes pas ennemis de la voiture ». Les aménageurs instrumentalisent le ras-le-bol des habitant.es dans un contexte où le centre de Cherbourg est saturé du fait des travaux en cours visant à mettre en place davantage de bus et de pistes cyclables. Le département pourrait flécher ces budgets pour dédier une partie du réseau routier existant aux déplacements à vélo et a pied en ralentissant les flux automobiles. On pourrait aussi dédier des moyens à la préservation et à l’entretien des chemins creux, par exemple. Ou encore développer la desserte et l’activité des petites communes rurales du Cotentin plutôt que d’en faire des villages-dortoirs.

une route pour l’industrie nucléaire

... même si cet argument est rarement évoqué dans les discussions. Il s’agit bien de fluidifier et de sécuriser le passage des transports de déchets et de combustibles radioactifs ainsi que les allers et retours des employé.es du nucléaire qui préfèrent souvent se rendre au travail en voiture et empocher une prime de déplacement plutôt que d’emprunter l’un des bus dédiés presque vides qui sillonnent pourtant le pays avec une régularité à faire pâlir d’envie les usager.es des transports en commun.

un projet de développement territorial centralisateur au service de l’industrie et de la grande distribution

Ici comme ailleurs, la ville se développe comme un dispositif colonial vis à vis des campagnes alentours, polarisant les flux et concentrant les pouvoirs au profit des politiciens professionnels, des grandes surfaces, des zones industrielles et commerciales ou d’une industrie de l’armement dont la France se veut la championne internationale décomplexée. Les salaires élevés des mercenaires de l’industrie tirent les prix du logement vers le haut de la même façon que les investissements des parisiens dans des maisons de vacances ou des logements airbnb. Quand tout crame et se dessèche, le Cotentin est en passe de devenir la nouvelle côte d’azur...

Bref, pas grand chose de nouveau sous le soleil et les averses... Si ce n’est qu’avec ce genre de projet, les politiciens-aménageurs réveillent la défiance et la colère dans ce territoire souvent bien calme et résigné. Les habitant.es renvoyé.es à leur impuissance commencent à s’organiser, à se mettre en lien localement et avec les autres mouvements qui, un peu partout [1], du contournement de Rouen à l’A69, se liguent contre des projets mortifères et pour d’autres manières de vivre sur leurs territoires.

Restons à l’écoute...!
Si le département persiste, il y aura sûrement dans les temps qui viennent des opportunités de nuire avec joie et détermination à ces velléités de bétonisation d’une péninsule déjà largement sacrifiée sur l’autel de la croissance et du développement.

Notes :

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