
Le 18 mars vers 5h40, moins de 24h après le placardage par la préfecture de l’arrêté d’expulsion, un dispositif quasi-militaire encercle la Gaité lyrique : des centaines de CRS, gendarmes, policiers municipaux et nationaux et des drones nous ont nassé et chargé toute la matinée.
Nous rappelons que lors de l’arrivée des forces de l’ordre, les jeunes étaient déjà sortis d’eux-mêmes du bâtiment afin d’éviter interpellations et violences policières. Cette opération témoigne de la volonté du gouvernement Bayrou de faire de l’évacuation de la Gaîté Lyrique un exemple d’un énième durcissement des politiques anti-migrants.
Un rassemblement devant le théâtre a duré toute la nuit, pour empêcher une évacuation sans mise à l’abri. Les soutiens ont fait des cordons devant les jeunes pour leur éviter d’être directement la cible de la police.
Les forces de l’ordre n’ont eu de cesse d’essayer de briser ces lignes de soutien afin d’isoler les jeunes. Une soixantaine de mineur.es isolé.es seront interpellé·es.
Au moins 25 d’entre eux repartent avec une OQTF, malgré les papiers attestant de leur recours de minorité. Il s’agit de mesures totalement arbitraires et illégales, puisque les mineurs en recours ne peuvent pas être sujets à des OQTF. Leurs dates de naissance ont été modifiées par la police malgré les documents d’identité qu’ils présentaient. Un jeune aurait ainsi atteint ses 18 ans le jour même de l’expulsion, quel hasard !
Un autre a été tabassé dans un commissariat du 18e.
Un jeune homme majeur qui s’était réfugié à la Gaité pour une nuit finira au CRA de Vincennes avec une Interdiction de Retour sur le Territoire Français.
Côté médical, nous avons essayé de recenser les violences policières en recoupant les témoignages des jeunes, des soutiens et des équipes médics présentes sur place. On compte plusieurs dizaines de blessé-es suite aux matraquages et gazages de la police : des traumatismes aux bras, côtes, doigts, arcades, yeux, cuisses, crânes et les témoignages continuent d’affluer. De nombreux jeunes étaient également en état de choc hier soir. Un trauma psychologique d’autant plus compliqué à gérer pour eux qu’ils/elles se sont retrouvés à la rue le soir même, de nouveau traqués par la police. Autour de la Gaîté, sur les quais de Seine, dans le métro, dans un café aux alentours, sur les 3 sites de la Bourse du Travail, sur la Place de la République, au Parc de Belleville, à Château Rouge et au Parc des Beaumonts, c’est une véritable chasse aux migrants qui continue de se déployer depuis l’expulsion pour les empêcher de se réunir ou de trouver un endroit pour dormir. En ce moment même la police détruit des tentes installées dans un parc.
On appelle à témoignages - récits, photos et vidéos des violences sur cette adresse mail : temoignage18mars chez protonmail.com
Ci-dessous le déroulé des faits tels que nous avons pu les retracer :
Lors de la sortie progressive des jeunes entre 5h40 et 6h du matin :
Une des filles (16ans) est frappée sur les fesses « pour la faire avancer » alors qu’elle et les autres filles sont plaquées contre le mur.
Une autre fille prend deux coups dans les côtes, tombe, deux jeunes du collectif essaient de la ramener à l’arrière mais les policiers la prennent et la placent dans l’espace entre la nasse et les soutiens séparés par les policiers et bloqués à une vingtaine de mètres sur le boulevard Sébastopol. Elle demeure prostrée sous sa couverture de survie, seule, pendant une trentaine de minutes. Une médecin et un membre de Médecins du Monde avec un gilet floqué demandent à passer pour aller la voir, les policiers refusent au prétexte qu’ils attendent les pompiers. Mais on apprend au même moment par les soutiens sur Sébastopol que leurs collègues bloquent les pompiers depuis un long moment déjà.
Une soutien prend un coup de poing au visage puis un coup de matraque sur le crâne, elle se plaint encore de maux de tête le lendemain.
Lors des premières poussées des policiers contre les personnes les plus proches de la Gaîté :
Les deux cordons de policiers réalisent des mouvements incohérents, poussant dans des sens opposés alors qu’une partie de la foule est sur les escaliers.
Sur les marches de la Gaîté, côté Sébastopol, un soutien d’une vingtaine d’années prend un coup dans les côtes et présente un hématome de 5cm environ. Côté Saint-Martin, un autre soutien prend des coups sur les mains en essayant de se protéger la tête et celle de la personne à côté de lui. Un autre prend un coup de pied dans le tibia et s’en sort avec quelques égratignures.
S’ensuit une charge brutale pour séparer le rassemblement en deux devant la Gaîté.
Peu après, nous savons que 4 personnes (une soutien, 3 jeunes) ont été prises en charge par les pompiers au niveau de la cour de l’église des Arts et Métiers. Un des jeunes est emmené à l’hôpital, nous n’en savons pas plus sur son état.
Un soutien prend un coup de matraque à la gorge rue Saint-Martin, il présente une gêne respiratoire persistante ce soir. Du même côté du rassemblement, une soutien d’une cinquantaine d’années a une côte cassée par un coup de matraque. Son compagnon prend un coup de matraque sur le crâne et présente une hémorragie.
Lors du gazage à bout portant (moins d’un mètre) à la gazeuse à main du rassemblement en bas des escaliers côté Sébastopol :
Un jeune fait un malaise et se fait piétiner car la foule est très dense. Totalement aveuglé, il rampe par terre pendant plusieurs minutes avant de pouvoir être relevé par des témoins. Il se plaint encore de douleurs diffuses et de brûlures au visage dans la soirée. Un jeune lacrymoté tombe également à terre et prend un coup de matraque sur le pied. Il boite encore dans la soirée.
Un autre jeune fait un malaise au bout de quelques pas et reste près de 10 minutes inconscient malgré l’administration de Maalox, sérum physiologique et les stimulations continues y compris dans sa langue maternelle. Après coup, il nous rapporte qu’il entendait les soutiens et son ami qui lui parlait mais n’arrivait pas à répondre. Il est bilanté par les pompiers après un appel de Laurent Sorel (élu LFI). Il se plaint toujours de maux de tête malgré le paracétamol une dizaine d’heures plus tard.
Un des jeunes a été vu convulser alors que les pompiers partaient avec lui vers l’hôpital. Nous n’avons pas pu l’identifier.
Un jeune de 16 ans, paniqué par le gaz, reste en position prostrée, des soutiens essaient de le relever mais il fait un malaise. Lorsqu’il se réveille, il se met à courir et hurler en tout sens puis refait un malaise. Il reste inconscient plusieurs minutes sur le boulevard Sébastopol qu’il a réussi à atteindre. La police charge à ce moment et disperse la plupart des soutiens autour, puis fait reprendre la circulation alors que le jeune est toujours inconscient sur le boulevard. Lors de la charge, une soutien est prise entre deux policiers puis poussée au sol sur un vélo, elle présente des hématomes aux jambes. Le jeune inconscient est finalement évacué par les pompiers. Il est sorti de l’hôpital dans la journée.
Enfin, un jeune en état de choc plus de 15min après le gazage est mis à l’abri chez des soutiens riverains.
Alors que nous nous faisons repousser vers le boulevard Sébastopol :
Un jeune qui hurle est violemment attrapé par la police malgré le fait qu’on leur crie qu’il a des troubles psychiques. Un autre est violemment plaqué sur le sol et tiré à l’arrière du cordon de police. Une soutien d’une vingtaine d’années est jeté à terre par la police avec un traumatisme crânien. Elle présente une incohérence post-traumatique passagère.
Lorsque nous nous faisons repousser vers rue du Caire :
Un journaliste avec entorse de genou lié à un coup de matraque est évacué par les pompiers. Alors qu’ils sont encerclés, un jeune de 14 ans court, tombe et prend deux coups de matraque à la jambe. Il est évacué par 4 personnes dans le métro qui arrivent à s’échapper avec lui malgré la police à leur trousse. Il avait toujours du mal à marcher hier soir malgré le paracétamol et le glaçage. Le jeune présente probablement un gros hématome mais nous ne pouvons pas exclure une fracture tibiale. Sous le choc, il ne souhaite pas aller à l’hôpital pour le moment et a été mis à l’abri pour la nuit chez des soutiens.
Un jeune présente suite à un coup de matraque une luxation des petits os du poignet qui devra être prise en charge chirurgicalement la semaine prochaine.
Outre la violence de la remise à la rue elle-même, les mineur·es, qui évacuaient d’eux-même le batiment, ont fait face à une violence policière totalement inutile et disproportionnée à laquelle nous ne nous attendions pas. Les pompiers eux-même ont indiqué à un des jeunes être débordé·es par le nombre de personnes à prendre en charge. Les jeunes blessés aux jambes ont dû marcher ou être portés pendant plusieurs kilomètres dans Paris, visés par une traque incessante de la police qui continue.
La police n’a eu de cesse de tenter de séparer les jeunes et leurs soutiens. Au point de ne pas laisser passer les soutiens qui les accompagnaient lorsque les jeunes étaient pris en charge par les pompiers. Pourtant, la solidarité des jeunes entre elleux, des soutiens, la cohésion de groupe ont évité de nombreux·ses blessé·es supplémentaires, notamment lors des mouvements de foule dangereux dans les escaliers.
Nous en appelons à ce que cette solidarité ne faiblisse pas, et nous vous donnons rendez-vous le 22 mars : rejoignez notre cortège lors de la marche internationale contre le racisme.
LA HONTE, LA HONTE, À CE POUVOIR, QUI FAIT LA GUERRE AUX MINEUR.ES
ISOLÉ.ES